Écrivain, poète, parolier, chanteur, critique musical, trompettiste de jazz et même directeur artistique d’une maison de disque, scénariste, traducteur, conférencier, acteur et peintre, la liste est longue. Ingénieur de formation (École centrale), il était un véritable touche-à-tout des arts et des lettres. Boris Vian meurt à 39 ans d’une faiblesse cardiaque, on célèbre cette année les 100 ans de sa naissance.

 

 Archives de la Cohérie Boris Vian, CC BY-SA 3.0« Boris fut toujours futur. Sa mort, c'est du passé. » Raymond Queneau

 

Boris Vian, 10 mars 1920 – 23 juin 1959

Depuis l’adolescence, l’urgence de vivre poursuit Boris Vian. Une maladie du cœur diagnostiquée à cette époque le persuade qu’il n’atteindra jamais les 40 ans. C’est peut-être pour démultiplier cette vie qu’il utilisera de manière frénétique au moins une trentaine de pseudonymes pour signer ses livres, ses articles, ses chansons… : Boris Vian alias Bison Ravi, alias Vernon Sullivan, alias Baron Visi, alias Vernon Sinclair...
Le goût de la lecture et de la musique a été transmis aux quatre enfants par des parents aisés, vivant dans l’insouciance et la fantaisie et qui encouragent les capacités créatrices de la fratrie. Boris doit son prénom à sa mère – harpiste et pianiste – en référence à Boris Godounov, l’opéra de Modeste Moussorgski. La crise de 1929 impactera la famille qui subira un revers de fortune et de nouvelles conditions de vie qui marqueront les enfants.
Boris, diplômé de l’École Centrale en 1943, exercera son métier d’ingénieur jusqu’en 1947. Parallèlement, il commencera à écrire et poursuivra la musique.
Un personnage à l’imagination débordante, à l’œuvre complexe, aux propos mordants, libre, en somme dérangeant dans le contexte corseté des années 1940-1960. Si sa notoriété est indiscutable aujourd’hui, la reconnaissance littéraire de son vivant lui a cruellement manqué - blessé de voir qu’il gagnait plus d’argent avec ses chansons qu’avec ses œuvres romanesques ou théâtrales qu’il considérait majeures - et la censure ne l’a pas épargné.

Nous vous proposons une évocation de cet artiste à travers l’écrivain, le musicien et le pataphysicien.

Et en fin d'article, les manifestations autour du centenaire.

L'ECRIVAIN

« S’amuser en écrivant, écrire pour s’amuser ».
Même s’il écrit depuis sa jeunesse, Vian n’a pas l’intention de publier.

C’est pourtant ce qui arriva avec le potache Vertcoquin et le plancton (sur l’absurdité de l’administration à partir de son travail à l’AFNOR) écrit en 1944 et arrivé de main en main chez Gallimard. Neuf autres romans suivront.

L’affaire Vernon Sullivan

vian couv jirai cracher bnf

L’auteur de romans sera double : Boris Vian et Vernon Sullivan. Vernon a-t-il éclipsé Boris ?
Vernon Sullivan apparaît en 1946, comme auteur de J’irai cracher sur vos tombes, traduit par un certain Boris Vian… canulard, pari.
La collection « Série noire » de chez Gallimard est appréciée par Vian, à tel point qu’il devient le traducteur des auteurs américains (Raymond Chandler, James Cain…). Plus qu’une traduction basique, il cherche à faire passer l’atmosphère et le style de leurs écrits.
Pour relever un défi, il écrit en quinze jours un pastiche de romans noirs américains. Ce titre fera de Vian un auteur sulfureux (censure, procès) et le poursuivra jusqu’à son dernier souffle. Le 23 juin 1959, il meurt d'une crise cardiaque au début de la projection privée du film tiré de J’irai cracher sur vos tombes. Ses difficultés financières l'avaient poussé à figurer comme scénariste au générique de cette adaptation qui lui déplaisait. 

Trois autres titres seront publiés sous le pseudonyme de Sullivan, lui laissant une totale liberté dans le ton et les thèmes abordés : Les morts ont tous la même peau (1947), Et on tuera tous les affreux (1948), Elles se rendent pas compte (1950)

 Vian, traducteur, introduit également la science-fiction d’A.E. Van Vogt en France. C’est lui qui en proposera la traduction à Gallimard.

 

1946 est une année féconde pour lui. Outre J'irai cracher sur vos tombes, il rédige L’automne à Pékin, qui, dans la pure facétie vianesque ne se passe ni à Pékin ni en automne, et enfin L’Ecume des jours. Ce titre marque une étape pour lui. Il sent qu’il a fait œuvre de créateur avec un texte de qualité.

 Appuyé par ses amis écrivains et éditeur, Il vise le prix de la Pléiade. Il lui échappe et Vian est très affecté par cet échec. 

>>Feuilleter le manuscrit autographe de L'Ecume des jours conservé à la BNF et voir la reliure conçue en référence aux nénuphars et à la souris grise par la relieuse Sün Evrard.


L’arrache cœur écrit en 1951 sera son dernier roman, et le troisième refusé par Gallimard après L’automne à Pékin et L’herbe rouge. La reconnaissance attendue ne vient pas, le scandale de J’irai cracher sur vos tombes et le procès qui s’éternise depuis 1947 l’épuisent. L'écriture inventive et poétique de l'auteur Boris Vian n’a pas rencontré son public.

 
Émission « Un siècle d'écrivains », numéro 77, diffusée sur France 3, le 19 juin 1996,

réalisée par Marika Princey et Bernard Gonner.

 

 

>>Boris Vian, le cœur à l'ouvrage / Culture Prime, 16 mars 2020

 LA MUSIQUE

Le jazz

Si le jazz fait partie de notre paysage sonore, n’oublions pas que dans les années 1930/1940, tout était à découvrir pour cette « musique de jazz » qui faisait son apparition sur le vieux continent. Promue par une poignée de passionnés, les musiciens afro-américains trouvent en France une terre d’accueil. Par la suite, certains s’y installeront (Sidney Bechet, Bud Powell, Kenny Clarke,...)
Boris Vian, amoureux du jazz s’en faisait le passeur avec des chroniques dans les revues Combat, Spectacles, Radio 49/50, Jazz news (dont il fut un temps le rédacteur en chef). Sa plume prolifique, autant caustique qu’humoristique servira également Jazz Hot pendant une douzaine d’années, la revue qui lui fit découvrir le jazz en achetant le premier numéro en 1935.

Un exemple de l’humour de Vian dans le titre de cet article :

>>Le jazz est dangereux – Pyschopathologie du Jazz par le Docteur Gédéon MOLLE – Ancien interné des Hôpitaux psychatriques, Médecin des Assurances, Peintre du jeudi, Médaillé militaire
Article paru dans Jazz News, n° 8 novembre 1949 (source BnF)

Écrivain du jazz mais aussi musicien. Découverte dès l’adolescence, cette musique devient pour lui une passion qu’il prolonge en adhérant au Hot Club de France, association de promotion du jazz crée en 1932 qui publie Jazz Hot et promeut le Quintette du Hot Club de France avec Django Reinhardt et Stéphane Grappelli. Vian écoute des disques, va aux concerts, et s'initie à la trompette. A partir de 1942, il se produit régulièrement dans les clubs (avec ses frères, avec Claude Luter ou Claude Abadie…). Le Club Saint-Germain, Les Lorientais et le célèbre Tabou sont les clubs parisiens de l’époque où il passe ses nuits et devient « le prince de Saint-Germain ».

A l'intérieur du cabaret de jazz "Le Tabou".
Les frères Vian - Boris à la trompette, Alain à la batterie
et Lélio à la guitare -interprètent "Sheikh of Araby"
le 25 janvier 1958                                                 France musique, "Boris Vian, en avant la zizique !" 10 mars 2020

 

 Fan absolu de Duke Ellington - il assistera à son premier concert à Paris en 1939 - il écoute aussi Mahalia Jackson, Franck Sinatra, Erroll Garner… et n’en suit pas moins l’évolution du jazz. C’est ainsi qu’il prend parti dans la querelle qui oppose les « anciens » et « les modernes ». En effet, d’Amérique arrive le be-bop. Cette nouvelle forme du jazz, ébouriffante, aux harmonies compliquées est portée par les boppers, des musiciens contestataires, intellectuels, en réaction contre le jazz d’avant-guerre et l’image du « bon noir ». Autant dire que pour certains jazz fans de l’époque, ces musiciens étaient démoniaques. Opposé à Hugues Panassié, gardien du temple de ce qu’il appelle le « vrai jazz », Boris Vian prend le parti de la modernité pour encenser Charlie Parker, Dizzy Gillespie ou encore Miles Davis. Il y a plus mauvais choix ! Il amènera d’ailleurs Charlie Parker au Club Saint-Germain et fera venir Miles Davis en France.

A partir de 1955, directeur artistique chez Philips, il créera et dirigera la collection « Jazz pour tous ».

vian davis 1950 bnf D.RMiles Davis et Boris Vian en 1950
 

La chanson


Après l’insuccès de L’arrache cœur  il n’écrit plus de romans, puisqu’il n’a « pas de public pour les lire ». Il s’intéresse alors la chanson, « romans raccourcis ». Il écrira plus de 500 textes de chansons.
A partir de cette époque et jusqu’à sa mort, la chanson, la traduction, l’écriture pour le théâtre seront ses sources de revenus.
1954 est une année durant laquelle il compose énormément de chansons, dont Le déserteur, censurée et interdite de diffusion jusqu’en 1962, après la guerre d’Algérie.

Playlist de 13 titres de Boris Vian

 

Les écrire, oui, les chanter, il ne le fit au début que par manque d’interprètes. En 1955, Jacques Canetti insiste pour qu’il chante aux Trois Baudets, cabaret à Montmartre. Grand escogriffe emprunté sur une petite scène de cabaret, ses prestations ne seront pas des succès, mais permettront à un autre auteur-compositeur de franchir le pas pour se produire : Serge Gainsbourg.

Impertinents, grinçants, humoristiques, antimilitaristes, ironiques, ses textes sont le reflet d’une époque et ont une résonance intemporelle.

D’autres le chanteront avec succès : Dario Moreno, Catherine Sauvage, Henri Salvador, Maurice Chevalier, Juliette Gréco…
Magali Noël a été une des premières à chanter les textes de Vian dont le fameux Fais-moi mal, Johnny : « rock humoristique »

‘PATAPHYSIQUE

Qu’est-ce que la ‘Pataphysique ? « La science des solutions imaginaires » selon son créateur, Alfred Jarry (1873-1907)

Fondé en 1948, le collège de ‘P533px Boris gidouille 5 1953ataphysique nomma Boris Vian en 1952 « Équarrisseur de première classe ».

En 1953, il fut promu au rang de «Satrape» et «Promoteur insigne de la grande Gidouille» par le Collège.

 Écrits, correspondances avec les autres membres, Vian s’investit dans ce mouvement dont l’esprit l’enthousiasmait. «Il estimait que, d’une façon générale, l’homme avait de multiples compétences non exprimées et donc non exploitées, et que le Collège était là pour les révéler». (Nicole Bertolt – Anne Mary)

 Le collège de ‘Pataphysique a accueilli Marcel Duchamp, Max Ernst, Juan Miro, Dario Fo, ou encore Siné, qui fut intronisé «Gonfanonier de l’ordre de la Grande Gidouille» le 26 merdre 86 (11 juin 1959). C’est à cette occasion que Boris Vian publia cette fameuse lettre sur la coquille : «retirez le Q de la coquille, vous avez la couille, et ceci constitue précisément une coquille».

Le Collège de ‘Pataphysique participera à la réédition de textes de Vian dès 1960 : Zoneilles (1961), Le Goûter des généraux (1962), Mémoire concernant le calcul numérique de Dieu (1977)…

MANIFESTATIONS DU CENTENAIRE

  1. Parrainé par Mathias Malzieu, écrivain et chanteur du groupe Dionysos, vous trouverez ici le programme des manifestations.TV5 Monde, émission du 24 novembre 2019.
  2. L'appartement parisien de Boris Vian présenté par Nicole Bertolt, garante de l’œuvre de Boris Vian. Babelio, 3 mars 2020.

 

 

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