« Moi les mangas c’est pas mon truc. Les histoires de types qui se battent à grand coup de super-pouvoirs et de changement de coupes de cheveux pour devenir plus puissants, ce n’est pas trop ma came. »

Eh bien non mes jeunes amis ! Les mangas ce ne sont pas que des histoires de combat ultra violentes et décérébrées… pas si décérébrées que ça d’ailleurs vu qu’il y a en général des doubles lectures intéressantes à trouver même pour les mangas qui semblent les plus bas de plafond. Ce n’est pas parce que la violence peut être présente que ça n’a pas un fond intéressant. Par exemple, Naruto ce n’est pas que du combat sans arrêt, ça nous parle aussi de l’exclusion, d’un gamin qui essaie de prouver sa valeur aux siens. Mais je m’éloigne du sujet initialement prévu !
En effet, cet article est là pour vous prouver que le manga, ce n’est pas nécessairement des histoires de combat. Tout comme le comics ou la BD franco-belge, vous avez toute une galaxie d’univers et d’histoires possibles. Certes, le genre le plus populaire du manga, celui des très connus Dragon Ball, One Piece, Naruto, Fairy Tail etc. est celui du « Nekketsu ». On peut le traduire littéralement par « sang bouillant ». C’est un genre aux codes très marqués avant tout destiné aux adolescents et pré-ado. C’est pour ça qu’il met le plus souvent en scène un héros masculin, jeune, bien souvent orphelin ou séparé de ses parents, ayant une quête. Il est le plus souvent naïf et découvre le monde qui l’entoure, aidé d’un mentor et de ses amis et il fait preuve d’une détermination sans faille. C’est un genre qui est porteur de valeurs très fortes d’honnêteté, de camaraderie et surtout de détermination. Mais ce genre s’applique non seulement aux mangas de combat mais aussi très bien aux mangas de sport par exemple.
Et contre toute attente, le premier nekketsu, ce n’est pas Dragon Ball mais La nouvelle Île au trésor de Ozamu Tezuka, inspiré du roman de Robert Louis Stevenson. Ashita no Joe, un manga de Boxe sera le manga qui popularisera le genre suivi de Dragon Ball.
Et là où ça se complique un peu, c’est qu’en France, on a tendance à utiliser non pas les genres pour séparer les mangas mais des catégories de genre et d’âge comme le Shonen, le shojo, le Josei, le Seinen, le Kodomo etc. En fait ces catégories ne sont que des cibles éditoriales. Le shonen, la cible la plus courante, désignant en fait un public de jeunes garçons. Mais toutes ces distinctions ne sont pas des genres, des styles. Certains mangas estampillés shonen sont parfois très sombres et très loin du genre Nekketsu par exemple et surtout aborder des thématiques et univers variés.
Mais encore une fois, je ne suis pas là pour vous parler des Nekketsu mais justement pour vous montrer qu’il y a toute une diversité de mangas dans des genres différents qui ne sont pas centrés sur le combat. Ça peut aller de la simple tranche de vie à la romance en passant par le sport, le fantastique ou le policier. Voici une petite sélection pour l’illustrer.

Ikigami, Préavis de mort / Motorô Mase

On a ici une série d’anticipation. Le Japon promeut une loi afin d’assurer la prospérité nationale et rappeler à la jeunesse la valeur de la vie. Pour cela, sont injecté à tous les enfants un vaccin appelé l’Ikigami qui contient une capsule qui cause arbitrairement la mort d’un enfant sur mille entre ses 18 et 24 ans. Nous suivons les histoires de Fujimoto, fonctionnaire chargé de donner le préavis de mort aux jeunes porteurs de l’Ikigami, 24h avant leur décès. Comme toute anticipation, cette série montre certains aspects négatifs de la société japonaise.  On suit en fait plus les jeunes qui réagissent à l’annonce de leur mort imminente et leurs proches. Seront-ils en colère, résignés, apeurés, paniqués, ou accepteront-ils leur sort ? On a donc accès à une galerie humaine avec des réactions complètement différentes entre chaque nouveau receveur de l’ikigami. Critique de l’absurdité de certaines lois, des montées dictatoriales au sein d’un état ou encore du système bureaucratique qui maintient ces états en place. Chaque tome se découpe en plusieurs histoires qui se concentrent autour de la personne qui reçoit le préavis de mort, ce qui laisse un rythme assez répétitif qui peut lasser. Je ne suis pas fan du dessin qui est un peu trop lisse pour moi mais il est très expressif. Série en 10 tomes terminée en France.

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Après la pluie / Jun Mayuzuki

Avec ce manga, on a une bonne romance bien comme il faut. On suit l’histoire de Akira Tachibana une lycéenne de 18 ans. Elle est solitaire et introvertie depuis qu’elle a dû mettre fin à sa passion de l’athlétisme suite à une blessure. Elle commence alors à travailler à mi-temps dans un restaurant familial. Là, elle tombe amoureuse de Masami Kondô, le directeur du restaurant âgé de 45 ans. Ce manga est vraiment sympa. C’est toujours cool cette thématique de l’amour un peu impossible, d’autant plus dans un contexte japonais où les âges et la convenance sociale sont beaucoup plus encrés. Ne pas être marié à un certain âge est très mal vu. se marier avec une personne d'un âge très différent aussi par exemple. Les relations entre les personnages sont prenantes. On ne nous dévoile pas tout. Il y a énormément de non-dit, de silences entre les personnages qui font passer en réalité énormément de chose. Et puis le personnage de Kondô est vraiment très intriguant. C’est un homme proche de la cinquantaine, moyen et plein d’une certaine forme d’amertume et on a vraiment envie de savoir d’où ça vient, pourquoi il est si amer. Niveau dessin ce n’est pas fou mais c’est maîtrisé ! Série en 10 tomes terminée au Japon et  en France.

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Monster / Naoki Urasawa

Polar culte du fantastique Naoki Urasawa. 1986, Düsseldorf le Dr. Tenma, brillant chirurgien décide de sauver la vie d’un petit garçon blessé par balle ou celle d’un haut placé de l’hôpital contre l’avis de sa direction. Cela détruit sa carrière mais il reste persuadé d’avoir fait le bon choix car il a permis à un enfant de vivre sa vie. 1995, le Dr. Tenma se retrouve confronté aux conséquences de son choix en découvrant que l’enfant qu’il a sauvé est en fait devenu un tueur en série de génie surnommé « Monster ». Pris de remords et accusé des meurtres de Monster, le docteur commence une cavale à travers l’Allemagne et les pays voisins pour échapper à la police et réparer l’erreur qu’il a commise par le passé en tuant ce jeune homme qu’il avait sauvé. Puissant, haletant, plein de suspense, Monster a tout pour plaire aux fans de polars et de thriller. Ce manga devenu un incontournable tant du genre policier que du manga nous sert des personnages bien construits, une intrigue complexe et passionnante. Les thématiques de la rédemption, de la morale, la prédestination sont superbement amenées avec en toile de fond des trafics et expériences sur des enfants et la trajectoire d’une famille brisée. Le tout desservi par le trait dynamique et puissant de Naoki Urasawa. A lire absolument ! (je vous conseille aussi la série animée qui est une très bonne adaptation) Série en 18 tomes ou 9 tomes pour la version Deluxe qui est une version double.

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Les enfants de la mer / Daisuke Igarashi

Ruka est une collégienne vivant au bord de la mer. Elle est rêveuse et éprise de liberté. Un été, elle fait la rencontre d’Umi et Sora, deux garçons fascinants et dont l’aisance dans l’eau est complètement surnaturelle. Ils nagent comme s’ils étaient des poissons dans l’eau, avec une vélocité et une facilité déconcertante. En réalité, ils ont été élevés par des dugongs, de paisibles mammifères marins. Et c’est durant ce même été que se produit la mystérieuse disparition de nombreux poissons dans les mers mais aussi dans les aquariums et ce de par le monde entier. De grands mystères semblent planer autour de ces garçons et de ces disparitions qui intéressent certaines personnes. Ce manga est tout simplement porté par le dessin de Daisuke Igarashi. C’est une œuvre contemplative, énormément basée sur cette représentation de la mer et de sa faune qui y est dépeinte de façon fantastique. Si vous êtes un amoureux de la mer ou des poissons, foncez ! Cette série a un rythme lent, propice à l’observation des magnifiques planches.  Manga onirique et étrangement aérien (compte tenu du fait qu’il se base sur l’élément aquatique), il ne manquera pas de vous faire vivre une expérience de lecture fantasmagorique. Série terminée en 5 tomes en France et au japon.

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Ascension / Sinichi Sakamoto et Yoshiro NabeTa

Buntarô Mori est un adolescent solitaire et morne qui ne semble pas avoir goût à la vie. Suite à un défi, il grimpe la façade de son lycée. En faisant cela, il se sent pour la première fois de sa vie réellement vivant. Il se découvre un amour inconditionnel pour la grimpe et la montagne, une passion qui devient presque comme une drogue. Ce manga retransmet magistralement toute la passion que l’on peut avoir pour la montagne. Son danger, cette espèce d’envie viscérale de devoir aller plus haut, de grimper un sommet. Il nous livre parfaitement bien cette ivresse que peut transmettre la passion du risque d’un sport. La rivalité et la camaraderie dans l’ascension ou dans le sport en général sont bien entendu très présentes. Et puis le dessin est magnifique. Sinichi Sakamoto au dessin fin, nerveux et précis à la fois et Yoshiro Nabeda qui  livre un scénario plein de sensibilité et de passion, le tout dans un mariage détonnant. Série terminée en 17 tomes sortis en France.

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Unlucky young men / Kamui Fujiwara et Eiji Otsuka

Ce n’est pas forcément de très grande notoriété en France mais en 1968, le Japon comme d’autres pays du monde a été agité d’un mouvement étudiant massif. Ce manga se déroule durant cette année 1968. Cette période d’ébullition de la jeunesse nipponne sert plus de toile de fond à une intrigue criminelle mais reste palpable et présente tout du long. Norio Nagayama  qui a rejoint la capitale en recherche de rédemption travaille dans un bar où se réunit toute la jeunesse révolutionnaire de Tokyo. Il y fait la rencontre du vaguement cinéphile « T ». Ensemble ils envisagent de braquer un fourgon pour financer le projet de film de « T » : Unlucky Young Men. Eiji Otsuka nous livre une véritable chronique de cette période d’ébullition et de changements sociaux en s’inspirant librement de trajectoires de vie écorchées de personnes ayant réellement existé. Le dessin réaliste de Kamui Fujiwara, avec des airs de documentaire, colle parfaitement à la volonté de faire de ce manga une sorte de chronique d’une époque et d'une génération. Un manga réellement secouant mais assez exigent dans la lecture, à ne pas mettre dans toutes les mains  et plutôt des expertes. Série terminée en 2 tomes.

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Blessures nocturnes / Seiki Stuchida et Osamu Mizutani

Adaptation du roman à porté autobiographique Yomawari sensei d’osamu Mizutani qui collabore directement sur la mise en scénario de ce manga. On y suit donc Muzitani, un enseignant en cours du soir. Il est sans arrêt confronté à une jeunesse désœuvrée, aux prises avec des problèmes de prostitution, drogue, violence, des troubles familiaux et j’en passe. Il ne peut rester inactif devant tant de souffrances et de difficultés et commence à errer de nuit dans les rues afin de tenter d’aider et de guider ces jeunes en souffrance. Réaliste, froid et cruel mais emprunt d'une grande humanité. ce manga est un témoignage poignant et concession d’une jeunesse nippone désabusée mais pleine de rêves subissant de plein fouet la violence de ce japon contemporain. A la fois plein d’espoir et de tristesse, ce manga retrace le parcours de jeunes que Mizutani tente de sauver de leur trajectoire de désintégration au travers de petites histoires se concentrant à chaque fois sur un jeune. On pourra se lasser de ce rythme à la longue comme apprécier la découverte de chaque nouveau personnage que Mizutani arrivera à parfois à aider et parfois non. Un dessin un peu old school mais précis et collant parfaitement à la noirceur de l’œuvre. Série en 10 tomes terminée en France.

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Bride stories / Kaoru Mori

Excellente série desservie par la sensibilité et le dessin magnifique de Kaoru Mori. L’intrigue se déroule en Asie centrale sur la route de la soie au XIX° siècle. Tout commence avec le mariage de la jeune Amir, 20 ans, pour sceller une alliance avec un clan voisin. Son époux, Karluk est son cadet de 8 ans. On découvre alors la vie de famille et les coutumes de ces peuples d’Asie centrale notamment au travers de la curiosité de Henry Smith, explorateur britannique intéressé par les coutumes locales. Là où cette série est vraiment géniale, c’est qu’elle n’entre pas dans les clichés. Elle va même un peu contre certains clichés, du genre celui de la jeune femme systématiquement mariée à un homme plus vieux ou celui de la polygamie masculine subbie par les femmes. Il est également bien documenté sur les mœurs de ces peuples et l’époque. On suit les histoires du couple Amir-Karluk puis d’autres personnes, explorant les conditions de vie des femmes, les meurs, les coutumes, les traditions et la philosophie de ces personnes. Le choix de ce sujet est assez exotique et c’est ça qui est génial et il est traité avec beaucoup de sensibilité. Et le dessin… Oh mon dieu que c’est beau ! Les représentations de l’artisanat sont juste magnifiques ! Série en cours avec 9 tomes sortis en France et au Japon.

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